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Nitrosamine : risques sanitaires et présence dans les produits du quotidien

Nitrosamine : risques sanitaires et présence dans les produits du quotidien

Nitrosamine : risques sanitaires et présence dans les produits du quotidien

Une molécule sous surveillance : pourquoi parle-t-on des nitrosamines ?

Discrètes, invisibles et pourtant omniprésentes : les nitrosamines suscitent aujourd’hui l’inquiétude croissante des autorités de santé publique. Identifiées dès les années 1950 comme cancérogènes dans des études animales, ces composés chimiques sont désormais traqués dans les médicaments, les produits cosmétiques et même les aliments. Alors, faut-il vraiment s’en alarmer ? Et surtout, quelle est la situation en Suisse romande ?

Derrière ce terme technique se cache une problématique aux implications très concrètes sur la santé et le quotidien des consommateurs. Avec des seuils de sécurité récemment durcis par les agences de régulation, les industries pharmaceutiques, agroalimentaires et cosmétiques sont aujourd’hui confrontées à un enjeu de transparence et d’adaptation.

Que sont les nitrosamines, exactement ?

Les nitrosamines sont une famille de composés chimiques généralement formés par la réaction de nitrites (présents couramment dans les conservateurs alimentaires ou les procédés industriels) avec des amines secondaires. Elles peuvent se former naturellement ou involontairement lors de procédés de fabrication ou de stockage.

Leur structure chimique varie, mais leur toxicité est bien documentée. Selon le European Medicines Agency (EMA), certaines nitrosamines comme la NDMA (N-nitrosodiméthylamine) ou la NDEA (N-nitrosodiéthylamine) sont classées comme « probablement cancérogènes pour l’homme » (catégorie 2A selon le CIRC).

Où les retrouve-t-on dans notre quotidien ?

Les nitrosamines ne sont pas seulement l’apanage des laboratoires : elles se nichent dans plusieurs produits de consommation courante, souvent à notre insu.

En Suisse romande, une étude pilotée en 2020 par l’Université de Lausanne avec la collaboration de la Fédération romande des consommateurs (FRC) a révélé la présence de traces de nitrosamines dans plus de la moitié des saucisses industrielles analysées. Des niveaux très inférieurs aux seuils légaux, mais une présence régulière qui interroge.

Pourquoi la vigilance s’est-elle accrue récemment ?

La montée en puissance de la réglementation européenne autour des nitrosamines n’est pas anodine. En 2018, plusieurs rappels de médicaments ont mis en lumière des défauts de fabrication au sein de sites sous-traitants asiatiques. Depuis, c’est toute la chaîne de production pharmaceutique qui a été scrutée.

L’EMA a lancé en 2020 un examen élargi exigeant que tous les fabricants de médicaments évaluent le risque de présence de nitrosamines dans leurs produits. Et la Suisse, via Swissmedic, s’aligne de plus en plus sur ces exigences.

Plus récemment, l’actualité scientifique a apporté son lot d’alertes. Une publication de 2022 dans le Journal of Toxicology and Environmental Health indique que l’exposition chronique à de faibles doses de nitrosamines peut induire, à long terme, des lésions sur l’ADN cellulaire. Une donnée qui pousse les régulateurs à revoir leurs seuils maximaux admissibles.

Quels risques concrets pour la santé ?

Là encore, il est essentiel de faire preuve de nuance. Toutes les expositions ne se valent pas, et toutes les nitrosamines ne présentent pas la même toxicité. Cependant, les preuves d’un lien entre exposition prolongée et développement de cancers (notamment du foie, de la vessie et de l’estomac) sont solides chez l’animal, et jugées préoccupantes chez l’humain.

Pour donner un ordre d’idée, l’ingestion quotidienne acceptable (IDA) de NDMA est désormais fixée à environ 96 nanogrammes. Une concentration extrêmement faible, difficile à mesurer sans technologies spécifiques.

D’après un rapport de Swissmedic, une personne consommant quotidiennement un médicament contaminé au-delà de cette norme pendant plusieurs années pourrait voir son risque de développer un cancer augmenté d’environ 1 pour 100 000. Faible en valeur absolue, mais significatif à l’échelle de toute une population.

Comment les industriels s’adaptent-ils ?

Du côté des industries, des mesures concrètes ont été prises pour réduire la formation et la présence de nitrosamines :

Dans l’alimentaire, certains transformateurs romands se tournent vers des conservateurs alternatifs et des méthodes de fumaison plus douces. Un courant rejoint également les préoccupations en matière de durabilité et de transparence alimentaire.

Et le consommateur romand dans tout ça ?

Face à une problématique aussi technique, le consommateur peut se sentir démuni. Pourtant, quelques réflexes peuvent réduire l’exposition :

Il est intéressant de noter qu’en 2023, une initiative citoyenne lancée par une association de patients romands a demandé plus de transparence sur la composition des génériques distribués en pharmacie. Une illustration claire d’un public de plus en plus attentif aux enjeux de santé publique.

Perspectives et futures régulations

L’évolution réglementaire, tant au niveau suisse qu’européen, tend vers un abaissement progressif des seuils de tolérance, une meilleure information des professionnels de santé, et une pression accrue sur les industriels pour garantir une chaîne de production propre.

En Suisse romande, plusieurs laboratoires universitaires travaillent sur des technologies de détection plus fines, moins coûteuses et applicables à grande échelle. À l’UNIGE, un projet de start-up biotech incubée en 2023 explore un capteur enzymatique capable d’analyser la présence de nitrosamines en quelques minutes seulement. Un outil prometteur pour équiper pharmacies, hôpitaux ou même chaînes agroalimentaires.

Enfin, si le sujet peut sembler alarmant, il est aussi révélateur d’un progrès encourageant. Pouvoir détecter des substances à l’échelle du nanogramme et tracer leur origine relève d’une avancée scientifique majeure. L’opportunité est ici de répondre à des enjeux globaux – sécurité sanitaire, confiance dans les produits, responsabilité industrielle – sur un territoire, la Suisse romande, à la pointe de l’innovation réglementaire et technologique.

Pour reprendre les mots d’un pharmacien lausannois interrogé en juin dernier : « Il ne s’agit pas d’alimenter la peur, mais de se doter des outils pour mieux comprendre, maîtriser et rassurer tout au long de la chaîne.» Voilà un principe cardinal que le blog Idactiv ne peut que partager.

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