Un enjeu sanitaire souvent sous-estimé
En Suisse comme ailleurs, la qualité de l’eau chaude sanitaire est un sujet de préoccupation croissant, notamment en lien avec la prolifération des légionelles. Ces bactéries, invisibles mais redoutables, peuvent entraîner la légionellose, une pneumonie parfois mortelle si elle n’est pas traitée à temps. Selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), entre 400 et 600 cas sont signalés chaque année en Suisse, avec une tendance à la hausse constante depuis 20 ans.
La cause principale ? Une température de l’eau insuffisante dans les installations, qui crée un terrain favorable au développement de la bactérie. Entre 25 °C et 50 °C, les légionelles prolifèrent. Or, pour des raisons d’économie d’énergie ou de confort, nombreux sont les bâtiments qui maintiennent l’eau en dessous du seuil critique. À l’intersection entre sécurité sanitaire, efficacité énergétique et transition écologique, la gestion de l’eau chaude domestique réclame aujourd’hui des solutions technologiques pointues. C’est ici qu’intervient la Legionellenschaltung.
Qu’est-ce que la Legionellenschaltung ?
Littéralement traduite par « commutation anti-légionelles » en français, la Legionellenschaltung désigne un système de régulation thermique automatisé conçu pour prévenir la prolifération des légionelles dans les installations d’eau chaude. Elle fonctionne selon un principe simple : garantir périodiquement une élévation de température suffisamment élevée pour détruire les bactéries, tout en optimisant la consommation énergétique au quotidien.
Typiquement, une installation équipée d’une Legionellenschaltung chauffe l’eau à minima à 60 °C à intervalles réguliers – souvent une fois par semaine ou tous les 3 à 5 jours. En dehors de ces pics thermiques, la température peut être réduite, ce qui permet une économie d’énergie sensible.
Pourquoi ce système devient incontournable ?
Le contexte énergétique et environnemental actuel pousse de plus en plus de propriétaires et de gestionnaires de bâtiments à diminuer la température de leur boiler ou de leurs systèmes de chauffage à distance. Si l’intention est louable – réduire les coûts tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre – elle ne doit pas se faire au détriment de la sécurité sanitaire.
Les bâtiments collectifs comme les EMS, les hôpitaux, les immeubles d’habitation ou les centres sportifs sont particulièrement sujets à ce risque. D’ailleurs, en Suisse romande, plusieurs cas de contamination ont récemment fait la une des médias locaux. Dans la plupart des cas, l’enquête révèle un entretien lacunaire ou une absence de gestion intelligente de la température de l’eau chaude. La Legionellenschaltung permet précisément de répondre à cet enjeu : elle concilie efficacité énergétique et sécurité sanitaire.
Focus technologique : comment ça fonctionne ?
Les solutions de Legionellenschaltung s’intègrent soit directement dans la régulation du chauffage central, soit via des dispositifs périphériques connectés. Plusieurs fabricants, notamment en Suisse alémanique ou en Allemagne, proposent des kits compatibles avec les installations existantes. Ces systèmes reposent principalement sur :
- Une régulation programmable basée sur des plages horaires définies
- Des capteurs de température pour contrôler les points critiques du réseau
- Des interfaces connectées permettant une supervision à distance via smartphone ou ordinateur
- Des alertes en cas de dérive thermique ou de besoin de maintenance
À noter que certains systèmes vont plus loin en intégrant des algorithmes prédictifs qui analysent les comportements d’usage des occupants, afin de planifier les élévations thermiques au moment le plus opportun.
Étude de cas : une solution mise en œuvre à Lausanne
L’entreprise romande HydroReg SA, spécialisée dans la gestion thermique des bâtiments collectifs, a récemment équipé un ensemble résidentiel de 48 appartements à Lausanne d’un système de commutation anti-légionelles. Le constat initial était préoccupant : des relevés réguliers montraient des températures descendant fréquemment en dessous de 45 °C, particulièrement dans les sections éloignées du réseau.
Après l’installation d’un système de Legionellenschaltung compatible avec le chauffage à distance de la ville, les résultats ont été mesurables dès les premières semaines :
- Stabilisation de la température moyenne à 60 °C pendant les phases critiques
- Réduction des coûts énergétiques de 12 % sur 6 mois grâce à l’optimisation des cycles
- Aucune trace de légionelles détectée lors des campagnes d’analyse semestrielles
Pour Jean-Michel L., gestionnaire de l’immeuble, « c’était une forme d’assurance. On avait le choix entre rester dans le flou ou investir dans un système intelligent qui veille sur le confort et la sécurité de nos locataires. Le retour sur investissement est évident ».
L’essor de solutions connectées en Suisse romande
Le marché romand n’est pas en reste. Plusieurs start-ups et PME locales développent ou intègrent des solutions de régulation thermique compatibles avec les normes suisses. C’est le cas de ThermoSafe Solutions, une jeune pousse basée à Yverdon-les-Bains, qui propose une plateforme de suivi en temps réel de la température de l’eau dans les bâtiments collectifs. Leur particularité ? Une intelligence logicielle qui apprend des pics de consommation pour anticiper les besoins, tout en assurant les cycles anti-légionelles à la fréquence réglementaire.
De plus en plus de régies immobilières s’intéressent aux possibilités offertes par ces systèmes. La nouvelle réglementation cantonale dans le canton de Vaud, qui impose aux bâtiments neufs un monitoring des installations de chauffage, pourrait accélérer l’adoption de ces technologies.
Une réglementation en mutation
Actuellement, la législation suisse ne prévoit pas de norme fédérale obligatoire imposant l’usage de la Legionellenschaltung. Cependant, les recommandations de l’OFSP sont claires : maintenir une température minimale de 60 °C dans les ballons d’eau chaude, et prévoir des purges régulières. À cela s’ajoutent des directives européennes (notamment les normes DIN 1988-200) qui influencent directement les pratiques d’ingénierie.
Plusieurs cantons, comme Genève et Vaud, commencent à intégrer ces considérations dans leurs plans de rénovation énergétique. De nombreux ingénieurs thermiques et bureaux d’études anticipent déjà un durcissement des recommandations dans les années à venir, en lien avec la multiplication des cas de légionellose.
Quels coûts et quel retour sur investissement ?
L’installation d’un dispositif de Legionellenschaltung peut varier entre CHF 1’500.- et 5’000.- selon la taille du bâtiment, la complexité du réseau et les fonctionnalités souhaitées (connectivité, supervision à distance, capteurs de débit, etc.). À cela s’ajoutent des frais d’entretien modestes – souvent absorbés dans les contrats de maintenance existants.
En revanche, les économies d’énergie réalisées à long terme sont solides. Selon une étude conjointe menée par le Centre Suisse d’Electronique et de Microtechnique (CSEM) et la HES-SO Valais, la mise en place d’un programme intelligent de chauffage de l’eau chaude peut réduire la consommation énergétique annuelle jusqu’à 15 %. Pour les copropriétés, cela offre une opportunité de maîtriser les charges tout en valorisant le patrimoine immobilier.
Un levier pour la transition énergétique
Si la Legionellenschaltung est avant tout un outil de sécurité sanitaire, elle s’inscrit parfaitement dans une logique de transformation durable du cadre bâti. En évitant les gaspillages inutiles tout en assurant la sécurité des usagers, ces technologies s’alignent sur les objectifs de la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération.
Elles participent également à la numérisation des infrastructures thermiques, un secteur encore peu exploré mais au fort potentiel de décarbonation. Pour Louis B., ingénieur énergie chez un fournisseur romand, « chaque kWh économisé sur le chauffage de l’eau représente un gain écologique direct. Mais encore faut-il garantir la santé des utilisateurs. La Legionellenschaltung permet de résoudre cette équation ».
Les bonnes pratiques pour les gestionnaires de bâtiments
Pour tirer le meilleur parti d’un système de commutation anti-légionelles, voici quelques recommandations pratiques :
- Faire un audit thermique initial pour évaluer les points faibles du réseau
- Choisir un système compatible avec les installations existantes, idéalement modulaire
- Programmer des cycles de chauffe à fréquence régulière, en conformité avec les recommandations sanitaires
- Documenter la maintenance et les relevés de température pour des raisons de traçabilité
- Informer les occupants sur l’importance de la gestion thermique – car la prévention passe aussi par l’usage
Il ne s’agit pas d’un gadget technologique supplémentaire, mais d’un outil pragmatique avec des implications sanitaires, économiques et écologiques claires.
Dans une région à la pointe de l’innovation durable comme la Suisse romande, il serait dommage de ne pas tirer parti de cette opportunité pour concilier intelligence technique et prévention sanitaire. La Legionellenschaltung mérite à ce titre toute sa place dans l’arsenal des solutions concrètes au service de notre qualité de vie quotidienne.