Un sommet emblématique aux multiples visages
Perchée à 1’875 mètres d’altitude, la Dent de Jaman domine fièrement le paysage au nord-est de Montreux. Située dans les Préalpes vaudoises, cette montagne attire aussi bien les randonneurs du dimanche que les passionnés de photographie et les amateurs de faune alpine. Mais qu’est-ce qui rend ce sommet si particulier, au-delà de son panorama imprenable sur le Léman et les Alpes ?
À travers cet article, nous vous proposons une exploration gourmande, sportive et culturelle de la Dent de Jaman, en tâchant de relier cette escapade naturelle à des dynamiques régionales plus larges : tourisme durable, valorisation du patrimoine local et initiatives écoresponsables.
Un panorama qui vaut bien l’effort
Le premier atout de la Dent de Jaman, c’est sans doute son point de vue spectaculaire. Par temps clair, on peut y observer le Léman sous toutes ses coutures, les sommets savoyards en toile de fond et, au loin, le massif du Mont Blanc. La lumière au sommet varie considérablement selon les saisons, rendant chaque visite unique — un aspect particulièrement prisé par les photographes et vidéastes locaux.
L’ascension ne présente pas de difficulté alpine à proprement parler, ce qui en fait une destination prisée mais accessible. Depuis les hauts de Montreux, le col de Jaman, atteignable en voiture ou via le train à crémaillère emblématique des Rochers-de-Naye, constitue souvent le point de départ. De là, comptez environ une heure de marche pour atteindre le sommet, avec un dénivelé raisonnable de 370 mètres.
Mais ne vous y trompez pas : même si cette randonnée semble « grand public », elle requiert de bonnes chaussures, une météo clémente et une certaine prudence. Quelques passages plus escarpés peuvent surprendre les non-initiés.
Un écosystème fragile à préserver
Avec l’augmentation du nombre de visiteurs, des enjeux environnementaux se posent. Le passage régulier de randonneurs, souvent en dehors des sentiers balisés, accélère l’érosion de certaines zones herbeuses. Le Parc naturel régional Gruyère Pays-d’Enhaut, proche voisin de la Dent de Jaman, a d’ailleurs mené plusieurs études d’impact sur cette pression touristique croissante.
Face à cela, différentes initiatives locales émergent. Des campagnes de sensibilisation sont menées en collaboration avec les offices du tourisme, et les panneaux d’information se multiplient pour inciter à un comportement écoresponsable :
- Rester sur les sentiers pour éviter l’érosion
- Ne pas cueillir la flore alpine, parfois protégée
- Reprendre systématiquement ses déchets
Des bénévoles locaux s’organisent également pour effectuer des nettoyages ponctuels sur les chemins d’accès au sommet. Une initiative soutenue notamment par certaines communes et associations régionales de randonnée, dans le cadre de projets comme « Montagne Propre ».
La Dent de Jaman : un carrefour d’histoire et de culture
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la Dent de Jaman n’est pas seulement un décor alpin. Elle a longtemps été un point stratégique de transhumance, entre les zones de pâturage d’altitude et les vallées vaudoises. En témoignent encore aujourd’hui quelques chalets d’alpage traditionnels nichés sur ses flancs.
Des archives cantonales mentionnent même l’usage de la montagne dès le XVe siècle, initialement pour les activités pastorales. Plus récemment, le sommet a aussi été un objet d’intérêt pour les premiers explorateurs de la région : des botanistes, des géologues, mais aussi les pionniers de l’alpinisme helvétique.
Et ce n’est pas un hasard si l’on y croise fréquemment des guides locaux, qui n’hésitent pas à inclure la Dent de Jaman dans leurs circuits d’interprétation de la montagne. Certains proposent notamment des balades à thème — flore alpine, observation des oiseaux, histoire du train à crémaillère — mêlant anecdotes et données scientifiques.
Un accès facilité mais contrôlé
La question des mobilités douces constitue un sujet central dans la fréquentation grandissante de la Dent de Jaman. Bonne nouvelle : l’accès au col de Jaman est possible en train, grâce à la ligne Montreux – Les Rochers-de-Naye, exploitée par les MVR (Montreux – Vevey – Riviera). C’est d’ailleurs l’un des rares sommets accessibles en train jusqu’à plus de 1’700 mètres d’altitude.
Ce mode d’accès a d’importantes ramifications écologiques : il permet de réduire la dépendance à la voiture, notamment pour les touristes séjournant sur la Riviera vaudoise. C’est aussi un levier intéressant pour les collectivités locales, qui peuvent ainsi proposer un tourisme de montagne plus aligné avec les ambitions climatiques nationales.
Selon des chiffres communiqués par les MVR, entre mai et octobre 2023, plus de 80’000 voyageurs ont emprunté la ligne menant vers le secteur de Jaman et des Rochers-de-Naye. Une fréquentation en hausse de 12 % par rapport à l’année précédente. Cette dynamique stimule aussi l’économie locale, notamment les auberges, refuges et guides de montagne enregistrés dans le périmètre.
Un laboratoire pour le tourisme durable
Loin d’être une simple escapade alpine, la Dent de Jaman cristallise plusieurs tendances fortes du tourisme régional et durable. D’une part, l’engouement croissant pour les « micro-aventures », ces expériences accessibles en quelques heures ou une demi-journée, qui reconnectent les citadins à leur territoire naturel. D’autre part, une volonté accrue des acteurs locaux de mieux répartir les flux touristiques pour éviter la surcharge de certains sites emblématiques comme les Rochers-de-Naye ou le Moléson.
Dans ce cadre, des projets-pilotes voient le jour, notamment autour de la signalétique écoresponsable, de la gestion des déchets ou du développement de nouveaux itinéraires en raquettes et ski de randonnée hors des axes les plus fréquentés. L’objectif : diversifier l’offre tout en préservant l’essence sauvage de la région.
Un exemple : l’association Montagne Éthique teste actuellement un partenariat avec les MVR pour proposer des forfaits combinés « train + randonnée guidée ». L’idée ? Inciter les visiteurs à délaisser la voiture et à découvrir l’environnement naturel de façon encadrée et pédagogique.
Des expériences locales à vivre sur place
Passer à la Dent de Jaman, ce n’est pas juste cocher une randonnée sur sa to-do list. C’est aussi une occasion de consommer local, au contact direct des communautés montagnardes. Durant l’été, certains producteurs d’alpage proposent à la vente leurs fromages (principalement du fromage de vache ou de chèvre), directement depuis la fromagerie ou à la sortie des chemins.
Une façon concrète de soutenir l’économie de montagne, tout en découvrant des savoir-faire ancestraux. En parallèle, certaines institutions locales développent des offres combinées, mêlant expérience gastronomique et randonnée — un modèle d’agrotourisme qui séduit une clientèle en quête d’authenticité.
En hiver, le secteur se prête également à la pratique de la raquette et du ski de randonnée depuis le col de Jaman, bien que cela demeure une activité exigeant un bon équipement et une connaissance du terrain. Quelques guides certifiés de la région proposent ces circuits, de manière ponctuelle, dans un cadre sécurisé.
Pourquoi la Dent de Jaman mérite d’être mieux connue
S’il fallait résumer le charme discret mais puissant de la Dent de Jaman, ce serait sans doute dans sa capacité à offrir une échappée belle aussi dépaysante qu’accessible. Située à une heure de train depuis Vevey ou Lausanne, elle constitue un rare équilibre entre nature brute et convivialité humaine, entre effort modéré et vue spectaculaire.
À une époque où les modèles touristiques sont appelés à évoluer, cette montagne offre une leçon grandeur nature sur ce que pourrait être le tourisme de demain en Suisse romande : engagé, local, respectueux des équilibres et connecté aux réalités du terrain.
Alors, la prochaine fois que vous cherchez une idée de sortie qui combine horizon, patrimoine et durabilité, pourquoi ne pas viser la Dent de Jaman ?