Un joyau alpin à portée de bottes : pourquoi les Dolomites séduisent les randonneurs suisses
Entre parois vertigineuses, vallées bucoliques et lacs d’altitude d’un bleu presque irréel, les Dolomites italiennes incarnent ce que les passionnés de randonnée appellent une « récompense visuelle continue ». Situé à quelques heures de route de la Suisse romande, ce massif classé au patrimoine mondial de l’UNESCO est une destination accessible, mais loin d’être banale.
Les Dolomites, c’est un terrain de jeu infini pour les randonneurs avertis comme pour les familles curieuses. L’aspect technique de certains sentiers attire les experts, tandis que les panoramas spectaculaires séduisent les amateurs de photographie ou les contemplatifs en quête de déconnexion. Une combinaison rare entre exigence physique modérée et émerveillement garanti.
Alors, quels sont les parcours qui méritent le détour ? Voici une sélection rigoureuse, fondée sur l’expérience de randonneurs suisses, les retours de guides alpins locaux, et quelques données clés sur la fréquentation et la difficulté de ces parcours.
L’Alpe di Siusi (Seiser Alm) : une randonnée pour commencer en douceur
Accessible, panoramique et traversant les plus vastes alpages d’Europe, l’Alpe di Siusi est souvent le point d’entrée idéal dans l’univers dolomitique. Située à 1850 mètres d’altitude environ, cette zone offre des sentiers balisés aux dénivelés doux, avec comme toile de fond les imposants sommets du Sassolungo et du Sciliar.
Environ 300 kilomètres de sentiers y sont proposés, avec des durées allant de 1h30 pour les boucles panoramiques à plus de 5 heures pour les circuits de crête. Ce réseau dense permet d’adapter facilement l’effort au niveau du groupe. C’est aussi l’un des secteurs les plus adaptés aux randonnées en famille.
Bon à savoir : la région est dotée de refuges typiques (les célèbres « rifugi » italiens) où l’on peut déguster une assiette de polenta ou de canederli en admirant le coucher du soleil. Certaines auberges travaillent même en circuit court avec les fermes alentour – un exemple intéressant d’agrotourisme local inspirant.
Le Tre Cime di Lavaredo : le mythe accessible
S’il fallait associer une image aux Dolomites dans l’imaginaire collectif, ce serait celle des Tre Cime di Lavaredo. Ces trois aiguilles monumentales, icônes de l’alpinisme, peuvent aussi s’aborder à pied via une boucle de 9 à 10 kilomètres, accessible depuis le refuge Auronzo (2’333 m).
Le parcours, même s’il est fréquenté, reste époustouflant. Il offre des vues spectaculaires sur les parois nord des sommets, souvent baignées d’une lumière dorée en fin de journée. Les points forts :
- Un tracé relativement plat (environ 400 m de dénivelé sur l’ensemble du parcours) ouvert aux randonneurs moyens
- Des points de vue photogéniques à chaque étape
- Une immersion rapide dans l’univers minéral des Dolomites, sans besoin d’équipements particuliers (hormis de bonnes chaussures de randonnée)
C’est aussi un excellent point de départ pour explorer des sentiers moins fréquentés dans le parc naturel des Dolomiti di Sesto. Les amateurs d’histoire y trouveront des vestiges de la Première Guerre mondiale – un rappel saisissant des combats menés dans ces hauteurs.
Alta Via n°1 : l’itinéraire iconique des Dolomites
Pour ceux qui cherchent un périple un peu plus d’envergure, l’Alta Via n°1, sentier de grande randonnée de 130 kilomètres entre Lago di Braies et Belluno, est une référence. Cet itinéraire traverse six massifs majeurs, dont les Croda Rossa et les Tofane, en une dizaine de jours.
L’itinéraire est bien balisé, les refuges accueillants, et les paysages… à couper le souffle. Mais attention : la gestion de la logistique est incontournable ici. Réserver ses nuitées à l’avance (de juin à septembre) est indispensable. Plusieurs agences locales proposent aussi des formules « légères » avec portage inclus, un atout non négligeable pour appréhender les étapes les plus exposées.
Choisir l’Alta Via n°1, c’est aussi faire un saut dans le patrimoine montagnard alpin : beaucoup de refuges possèdent une histoire riche, transmise de génération en génération. Citons par exemple le Rifugio Lagazuoi, perché à 2’752 m, qui surplombe un réseau de tunnels creusés pendant la Grande Guerre. Une expérience où l’histoire rejoint la rando.
Le massif de la Sella : entre altitudes et vertige contrôlé
Vous cherchez une aventure plus technique mais sans entrer dans l’alpinisme pur ? Le groupe du Sella offre une palette très complète de randonnées à la journée, à partir des cols de Pordoi, Sella ou Gardena. L’un des parcours les plus emblématiques : l’ascension du Piz Boè (3’152 m).
Ce sommet, l’un des plus « accessibles » au-dessus de 3’000 mètres dans les Dolomites, peut être atteint en 2h30 depuis la station supérieure du téléphérique Sass Pordoi. L’itinéraire est court mais très panoramique, avec passages équipés et points d’observation impressionnants sur toute la chaîne.
Ce type de sentier requiert cependant un bon pied montagnard, et une météo stable. Mieux vaut partir tôt et bien équipé, surtout si l’on envisage une traversée vers un refuge ou un retour par une autre vallée.
Les Dolomites vues de Suisse romande : accessibilité et logistique
Depuis Genève, Lausanne ou Fribourg, rejoindre les Dolomites peut se faire facilement en voiture (7 à 8 heures pour Cortina, Ortisei ou Canazei), ou en train jusqu’à Bolzano, puis par bus ou voiture de location.
Voici quelques conseils pratiques fondés sur les témoignages de randonneurs suisses :
- Évitez les périodes de grand chassé-croisé (mi-juillet à mi-août) pour plus de tranquillité
- Réservez vos refuges si vous partez sur plusieurs jours : le site www.rifugi.bz.it regroupe les refuges du Tyrol du Sud
- Vérifiez les prévisions météo via Meteo Trentino ou 3bmeteo.com pour adapter vos parcours
- Une carte Kompass ou Tabacco reste bienvenue, même à l’ère GPS : la couverture mobile peut fluctuer
Enfin, sachez que plusieurs communautés posent aujourd’hui un regard lucide sur le tourisme de masse qui gagne certains secteurs très connus (Tre Cime, Seceda…). Un mouvement émerge autour d’un « slow trek » visant à privilégier les vallées moins fréquentées, l’approche en mobilité douce, et les séjours plus longs mais mieux répartis. Une tendance qui fait écho aux préoccupations écologiques croissantes chez les voyageurs suisses.
Des retours d’expérience inspirants : la Dolomiti Connection en Suisse romande
Lucie et Baptiste, un couple de Vaudois passionnés de montagne, ont effectué une randonnée de six jours entre la Val di Funes et le cœur des Dolomites orientales, à la mi-septembre. Leur retour ?
« Ce qui nous a frappés, c’est la diversité des paysages en si peu de jours. On a commencé au cœur d’un alpage où les vaches portent des sonnailles comme chez nous, puis on s’est retrouvés sur des sentiers lunaires, traversés par les chamois. Et question accueil, l’Italie reste imbattable. Le soir, on a toujours trouvé un refuge prêt à nous servir des pâtes maison avec le verre de rouge local offert. »
Un témoignage récurrent chez les marcheurs romands : les Dolomites offrent une combinaison rare de paysages spectaculaires, de qualité d’accueil et de repères familiers. Pas étonnant que cette destination gagne en popularité dans les clubs de randonnée et groupes en ligne helvétiques.
Envisager les Dolomites autrement : l’art du détour
Les Dolomites fascinent, c’est un fait. Mais c’est souvent en sortant des sentiers battus qu’elles se dévoilent pleinement. Pourquoi ne pas s’attarder une journée dans une vallée latérale, visiter un village comme San Martino in Badia, ou découvrir la culture ladine – cette minorité locale au patrimoine linguistique unique ?
Pour le randonneur curieux, chaque détour est potentiellement une nouvelle rencontre : un artisan de bois sculpté, une via ferrata oubliée ou un petit lac glaciaire sans nom. Les Dolomites ne se réduisent pas à des sommets, aussi photogéniques soient-ils. Elles s’explorent au rythme de vos pas, mais surtout avec l’envie de regarder au-delà du cadre.
Et si votre prochaine aventure ne passait pas uniquement par les sites les plus prisés, mais par ceux que l’on murmure encore à l’oreille des initiés ?